samedi 11 février 2012

Terres rares...pourquoi ce nom ?

Il y a bien un groupe de musique portant le nom de Rare Earth mais ici ce n’est pas le sujet. Pour être franc, jusqu’à tout récemment je n’avais jamais entendu ce terme de « terres rares » (en anglais ‘rare earth’).

Peu de matières premières sont aussi stratégiques et aussi peu connues que les terres rares. Ces « terres » sont au nombre de 15. Personne ne pourrait en citer une seul, et pourtant, elles ont déjà envahi notre quotidien. Frigo, voitures hybrides, électronique, ampoule basse consommation…nous en sommes déjà tous dépendants.

Toujours à l’affût de nouvelles possibilités d’investisssement, j’ai voulu en savoir davantage. Voici donc un résumé de mes recherches.

D’abord un peu de détails sur les caractéristiques de ces « terres rares ». Ils sont, la plupart du temps, présents simultanément dans les minerais tels que la bastnäsite, la monazite, la loparite (niobiotitanate), l’apatite, le xénotime (orthophosphate) et les argiles latéritiques. Leur abondance dans la croûte terrestre varie du cérium, le 25e élément le plus abondant (60 ppm), au thulium et au lutécium, les terres rares les moins abondantes (0,5 ppm). Sous forme élémentaire, les terres rares ont un aspect métallique et sont assez tendres, malléables et ductiles – ou si vous voulez pouvant être étirées sans se casser. Ils sont aussi généralement chimiquement assez réactifs, surtout à températures élevées ou lorsqu’ils sont finement divisés.

Les terres rares sont un groupe de métaux aux propriétés voisines comprenant le scandium 21Sc, l’yttrium 39Y et les quinze lanthanides.

Ces métaux sont, contrairement à ce que suggère leur appellation, assez répandus dans l’écorce terrestre, à l’égal des métaux usuels. Leur nom vient du fait qu’on les a découverts au début du XIXe siècle dans des minerais (d’où le nom de « terres », utilisé à l’époque en français, langue des échanges internationaux, pour les oxydes) peu courants à cette époque : terres rares signifiait donc « minerais rares ».

Jusqu’en 1948, la plupart des sources de terres rares provenait de dépôts de sable en Inde et au Brésil. Durant les années 1950, l’Afrique du Sud est devenu le principal producteur après la découverte d’immenses veines de terres rares (sous forme de monazite) à Steenkampskraal.

Depuis le début des années 2000, ces mines indiennes et brésiliennes produisent toujours quelques concentrés de terres rares, mais sont surpassées par la production chinoise qui couvre en 2010 (95 %) de l’offre de terres rares. Les États-Unis et l’Australie disposent de réserves importantes (15 et 5 % respectivement), mais ont cessé de les exploiter en raison des prix très concurrentiels de la Chine et des inquiétudes environnementales.

La Chine a des ambitions, et de grandes…Cette prépondérance de la Chine inquiète les pays occidentaux qui cherchent à diversifier leur approvisionnement, d’autant plus que la Chine a annoncé le 1er septembre 2009 vouloir réduire ses quotas d’exportation à 35 000 tonnes par an (sur une production de 110 000 tonnes), et ce, dès 2010. L’argumentation justifiant cette décision porte sur la volonté de préserver des ressources rares et l’environnement. En effet, le ministère chinois du Commerce a récemment affirmé que les réserves de terres rares du pays avaient chuté de 37% entre 1996 et 2003. Mais ces mesures visent surtout à satisfaire sa demande interne immédiate, croissante. De 2006 à 2010, la Chine a réduit ses quotas d’exportation de 5 % à 10 % par an, et la production a été limitée de peur que ses réserves s’épuisent d’ici quinze ans.

Toute la gamme des terres rares est extraite par la Chine principalement en Mongolie Intérieure comme par exemple le dépôt de Bayan Obo, dans le district minier de Baiyun. On trouve aussi des terres rares sur le plateau tibétain. Les mines illégales sont répandues dans la campagne chinoise et souvent liées à des pollutions des eaux environnantes.

Depuis quelques temps, les dirigeants du monde entier s’en inquiétaient. Les industriels tiraient régulièrement la sonnette d’alarme….mais il est peut-être trop tard : la Chine vient encore de réduire ses exportations de terres rares.

L’enjeu est tout simplement vital pour nos économies. Les terres rares feront les révolutions industrielles de demain. Plus un produit est innovant, plus il demande de terres rares. Et cela concerne tous les secteurs : aéronautique, automobile, raffinage, défense, électronique, énergies vertes, etc.

En fait, les terres rares sont stratégiques, vitales. (voiture hybride, mobile ou smartphone, écran plat, produit de technologie verte (ampoule LED, éolien, solaire…) ne sort sans terres rares. Elles sont partout, dans toutes les technologies de pointe et du futur, et jusque dans le raffinage du pétrole. Elles sont au coeur des process industriels et technologiques de pointe de l’Occident. Sans terres rares, on ne fait rien ou presque. Pour le moment les industriels dépendent à 100% de la Chine pour les approvisionnements en terres rares.



La Chine pourrait bien être l’Arabie saoudite du XXI° siècle. Le père du modèle économique chinois, Deng Xiaoping, a comparé un jour la position de son pays sur les terres rares à l’Arabie saoudite avec le pétrole.

Mais son pouvoir est bien plus grand. Si l’OPEP produit 40% du pétrole dans le monde, la Chine produit 95% de terres rares ! Terres rares indispensables et non substituables
La Chine règne sans partage sur les terres rares depuis 30 ans - La Chine a compris avant tout le monde son avantage. A partir des années 70, l’objectif de Pékin est clair : devenir l’unique producteur de terres rares au monde.

La stratégie est simple. Il faut asphyxier progressivement les autres pays producteurs en produisant à bas-couts. Qui plus est, les mines de terres rares sont polluantes et très couteuses. Les occidentaux sont alors soulagés de pouvoir externaliser ces contraintes en Chine.

Rien ne justifie plus économiquement la poursuite de la production de terres en occident. Les Etats-Unis, alors premier producteur, ferment leur principale mine californienne de Mountain Pass.

Comment en sommes-nous rendu là ? Voici l’évolution plus ou moins récente de la situation :
D’abord il y a eu éradication : Il y a quelques années, la Chine a délibérément anéanti la concurrence : pas un producteur occidental n’a survécu à sa « stratégie nucléaire » : coûts de production ultra-faibles, doublés d’un yuan sous-évalué. Les terres rares chinoises se sont imposées par le prix, exterminant tout sur leur passage.

C’est un grand classique de la Chine : le magnésium et le tungstène sont deux autres marchés qui ont subi la même stratégie.

Ensuite, il y a eu étranglement : Voilà pourquoi 97% de la production mondiale de terres rares est chinoise. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans la phase II de la stratégie chinoise : stratégie d’étranglement. Car depuis maintenant trois ans, la Chine ferme le robinet des terres rares. Elle veut les garder pour elle. On ne peut lui en vouloir. On aurait même dû l’anticiper !

A coups de taxes à l’exportation et quotas drastiques sur les exportations, la Chine qui exportait il y a trois ans quelques 115 000 tonnes de terres rares, n’exporte aujourd’hui plus que 35 000 tonnes.
Elle a annoncé vouloir réduire encore de 30% ses exportations. Objectif : 30 000 tonnes par an. La tendance se poursuit !

Maintenant les industriels sont aux abois et les prix s’enflamment : Face à la demande croissante des industriels occidentaux aux aboies, la Chine utilise même aujourd’hui les terres rares comme arme diplomatique ! Menaçant récemment les constructeurs automobiles japonais de cesser les livraisons de terres suite à un incident diplomatique avec le Japon. Ce qui aurait entraîné l’arrêt immédiat de toutes les chaînes de production des véhicules hybrides.

Effondrement de l’offre disponible sur le marché, demande croissante, forcément les prix s’envolent.
+100% pour le néodyme (présent dans les batteries des autos entre autres) en 2010.
+90% pour le dysprosium.

Voilà pourquoi la valeur des exportations chinoises pour 2009 a explosé de +170% alors même que les exportations sont en fort recul.

Aujourd’hui, Pékin reprend le marché en mainLe marché est totalement restructuré, tout comme le charbon d’ailleurs.

Fermeture des mines illégales (ce qui fait baisser la production de quelque 10%), absorptions, concentration verticale de l’industrie pour extraire la totalité de la valeur ajoutée de la chaîne, …le tout avec main mise du pouvoir.

L’idée est de contrôler toute la chaine de production, transformation, distribution.

Réduction de 10% par an depuis 2006 – La stratégie chinoise évolue pendant les années 2000. A partir de 2006, la Chine, qui produit 95% des terres rares, commence à réduire ses quotas d’exportations. Chaque année, c’est entre 5% et 10% des quotas d’exportation qui sont supprimés. Surtout, la Chine exporte les métaux les plus chers, les métaux lourds. Principale conséquence, les prix des métaux légers partent en flèche.

Le néodyme par exemple atteint 32 000 dollars la tonne en août 2010, soit une augmentation de 60% en un an !

Moins 70% d’export annoncé en juillet – En 2010, la Chine change de braquet. Les quotas d’exportation pour le second semestre sont réduits carrément de 70% !
La Chine franchit rapidement une nouvelle étape. En septembre, les deux plus grandes économies du monde sont privées de terres rares. Deux coupures, une cause : la politique.
- Le Japon d’abord, qui a « la mauvaise idée » de rappeler sa souveraineté sur un archipel d’îles que la Chine revendique.
- Les Etats-Unis à leur tour. Le motif politique est encore plus flagrant. La Chine aurait réagi à une enquête américaine sur des subventions illégales accordées au secteur de l’industrie verte chinoise.
La Chine a l’intention de maintenir ses restrictions – Une autre raison se cache derrière l’arrêt des exportations : les ambitions chinoises. Sur le long terme, la Chine a bien l’intention de monter en gamme. Le plan 2006-2020 met l’accent sur le développement scientifique et technologique. Secteurs visés : micro-électronique, aéronautique, aérospatiale et nouveaux matériaux.
Que des secteurs gros consommateurs de terres rares !

Or la Chine a peur d’épuiser ses ressources. Ses réserves ont déjà baissé de 37% entre 1996 et 2003. Elles pourraient être épuisées d’ici 15 à 20 ans si le rythme d’exportation n’évolue pas.
Des centaines de milliards de dollars en jeu – L’enjeu économique pour nos économies est gigantesque !

Le marché des terres rares n’est pas un marché immense. Au mieux il atteint les deux milliards de dollars. Mais de ce marché dépendent des milliards de dollars !

Pour produire plus léger, plus résistant, plus » éco-compatible « , les terres rares sont indispensables. Les marchés de demain, comme les industries vertes (voitures vertes, éolien, lampes LED…), ne décolleront qu’à condition de posséder des terres rares.

L’embargo chinois sur les terres rares doit nous servir d’électrochoc. Avec une demande mondiale en terres rares qui croît de plus de 10% par an, nous sommes obligés de trouver des gisements ailleurs…et ils en existent !

La Chine produit 95% des terres rares dans le monde, mais ne possède qu’un tiers des ressources. Qu’en est-il des deux tiers restants…

Les grands consommateurs se tournent vers une poignée de pays – Les BRIC possèdent tous des ressources importantes. Dans le cas de la Russie, il faut élargir à la Mongolie, au Kazakhstan et au Kirghizstan.

Le Japon et la Corée, qui consomment à eux deux un cinquième de la production mondiale, ont commencé à discuter avec le Vietnam. Plusieurs groupes européens, comme Volkswagen et Rhodia, se tournent actuellement vers l’Australie.

Voici deux zones qui méritent notre attention pour le futur : l’Amérique du Nord et l’Australie. Ces pays ont déjà identifié des gisements, et possèdent les infrastructures et le personnel pour les exploiter.
La mine de terres rares de Mountain Pass en Californie (Molycorp: MCP) devrait ainsi faire l’objet d’importants investissements afin de limiter cette dépendance ; la réouverture de la mine sud-africaine est à l’étude. Certains gisements canadiens (Hoidas Lake) – symbole: TSXV:GWG , vietnamiens, australiens et russes sont aussi en cours d’évaluation.

Tous ces gisements ne seront pas opérationnels avant 2012/2014. Attendez-vous donc à voir les cours s’envoler rapidement, car la demande mondiale doit doubler d’ici cinq ans. Voìlà pourquoi ce secteur apparaît comme plutôt prometteur.

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